Comme lors des dernières éditions, nous publions ici l'un ou l'autre article du magazine trimestriel de l'ASS. Partie 2: l'aérodynamique en karting.
L'aérodynamique est essentielle en Formule 1. Même la plus grande révolution réglementaire de l'histoire n'y a rien changé, quand la FIA a strictement limité l'aérodynamisme des monoplaces de F1 en 2022. C’est même le contraire! Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles règles, on ne peut s'empêcher de penser qu’Adrian Newey, le designer vedette, a une longueur d'avance sur la concurrence dans ce domaine. On a du mal à s’expliquer autrement les résultats de Red Bull et les victoires en série de Max Verstappen. Depuis que ces règles sont appliquées, les monoplaces construites par Newey ont remporté 39 des 45 grands prix. What else?
L'aérodynamique n'est plus une notion étrangère au karting, même si les possibilités y sont bien sûr plus limitées. Les quelques pièces en plastique qui entourent un kart moderne sont devenues le terrain de jeu des constructeurs et fournisseurs de karts. Il n'est même pas rare que ces derniers lorgnent du côté de la Formule 1 et copient les solutions aérodynamiques de la catégorie reine.
Birel en est un bon exemple. Acteur important du karting depuis 1959, le fabricant italien a lancé en 2018 un spoiler frontal affublé du nom de code «F1». Il porte bien son nom, car la ressemblance est frappante. Ce spoiler pourrait sans problème avoir été dessiné par un aérodynamicien de Formule 1.
Selon Birel, le spoiler «F1» devrait générer beaucoup d'appui dans les virages rapides, sans pour autant perturber le passage du flux l'air vers la boîte à air et les freins. Mais en fin de compte, cette invention n'était pas si révolutionnaire que cela. Ce spoiler n'est pas utilisé en championnat suisse de karting autobau: «J'ai tendance à rendre l'aileron avant plus grand pour qu'il ait davantage de souplesse», explique Max Busslinger, qui a remporté le championnat OK seniors en 2023 avec un châssis Birel et le pilote d’expérience qu’est Pascal von Allmen. «Ainsi, en cas de contact, le spoiler est repoussé moins vite vers l'arrière et il y a donc moins de pénalités de temps pour les pilotes.»
Tony Kart, ou plutôt le groupe OTK qu’il représente, fait également partie des constructeurs qui bricolent et progressent sur le plan aérodynamique. Les Italiens ont été particulièrement inventifs avec le spoiler de colonne de direction «M7». Cet élément aérodynamique en plastique, qui ressemble à une banane épluchée, dirige l'air au-dessus du pilote, via un canal central. Il est censé, selon OTK, réduire la résistance de l'air. À l’instar de la solution de Birel, ce spoiler de direction a fait l’objet de nombreux tests, y compris en soufflerie dans ce cas. Facturée 215 francs, la pièce n'est pas bon marché. Les boucliers avant ordinaires coûtent une fraction de cette somme. «C’est relativement cher, c'est vrai», admet Agostino Lagrotteria, importateur officiel de la marque Tony Kart à Sirnach, en Thurgovie. «Mais il ne faut pas oublier le développement, les tests et les nombreux moules nécessaires. Tout cela se répercute sur les coûts.»
Agostino Lagrotteria n'a pas encore testé lui-même le «M7». Il se fie aux déclarations d'OTK et sait par expérience que «d'autres fabricants font des essais aérodynamiques avec un orifice de guidage de l'air. Sur le principe, cela fonctionne de manière identique. La solution de Tony Kart va donc certainement dans la bonne direction. Car en fin de compte, tous poursuivent le même objectif: ils veulent réduire la résistance de l’air en dirigeant celui-ci de manière ciblée au-dessus du pilote.»
Mais la soufflerie n'est pas le seul outil utilisé pour améliorer l'aérodynamique en karting. Des expériences sont également menées avec le "FloViz", connu en Formule 1. Ce liquide est utilisé depuis quelques années par les teams de F1 pour rendre visibles les flux aérodynamiques autour de la monoplace. KG, un fabricant spécialisé dans les volants, a adopté cette méthode pour faire fabriquer de nouveaux carénages de kart mieux profilés. Mais là encore, la question se pose: ces artifices aérodynamiques sont-ils utiles? Ou s'agit-il simplement d'une opération commerciale pour les fabricants?
Ken Allemann vit pour le karting. L'ancien pilote de haut niveau, devenu patron du team Spirit Racing, connaît ce domaine comme personne. «En dessous de 100 km/h, l'aérodynamique joue un rôle négligeable en karting» affirme-t-il. «Au-delà de 100 km/h, ou si l'on pilote un superkart entièrement caréné, on peut éventuellement constater de petites différences. Mais nous parlons ici de quelques centièmes de seconde.»
L'utilité aérodynamique de carénages sophistiqués sur les karts modernes dépend également de la nature des circuits. Sur une piste plutôt rapide, comme à Franciacorta (I) ou à Zuera (E), le profilage d'un kart a plus d'influence que sur un circuit lent et sinueux. «Nous ne l'avons encore jamais mesurée», concède Allemann. «Mais quand nous roulons à Wohlen, l'utilité aérodynamique des carénages de kart est hors sujet. Là-bas, seuls comptent les réglages et la mise au point du moteur.»
L'un des pilotes d'Allemann, le Vaudois Michael Pemsing, a utilisé en 2023 un bouclier avant ordinaire pour les karts à boîte de vitesses, sans canal en banane ni orifice de guidage de l'air. Était-il moins rapide pour autant? «Non», décrète Ken Allemann. «Et il n'aurait pas perçu de différence non plus avec un autre carénage frontal.»
Pour Allemann, toutes ces pièces en plastique sur un kart moderne ont un autre objectif: elles doivent en premier lieu améliorer la sécurité. De plus, un spoiler frontal augmente l'adhérence des roues avant, ne serait-ce qu'en raison de l’appui supplémentaire. L’homme d’expérience résume donc la situation ainsi: «Je maintiens que tout ce qui rend un kart compliqué ne le rend pas plus rapide.»
Enfin, le pilote peut toujours se baisser sur les longues rectilignes. Selon la devise: «Baisse la tête et fonce...»